Con-Texto : Hiver 1990. Amélie Nothomb a terminé ses études de philologie romanes à Bruxelles. Elle s'en retourne alors au Japon, pays qu'elle connaît bien pour y être née, afin d'y travailler. Elle rentre alors dans la compagnie Yumimoto pour un contrat de un an. Cet emploi, inespéré pour elle, lui réserve plusieurs surprises dont elle tirera diverses leçons... |
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Le personnage principal est, bien entendu, Amélie Nothomb qui s'exprime de manière autobiographique.
Elle nous décrit, dans les premières lignes du roman comment se présente la hiérarchie dans la société Yumimoto :
" Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure.
Et moi, je n'étais la supérieure de personne. On pourrait dire les choses autrement. J'étais aux ordres de mademoiselle Mori, qui était aux ordres de monsieur Saito, et ainsi de suite, avec cette précision que les ordres pouvaient, en aval, sauter les échelons hiérarchiques.
Donc, dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde.
In-Texto... Ex-Texto :
"- A partir de maintenant, vous ne parlez plus le japonais.
Je le regardai avec des yeux ronds :
- Pardon ?
- Vous ne connaissez plus le japonais. C'est clair ?
- Enfin, c'est pour ma connaissance de votre langue que Yumimoto m'a engagée !
- Cela m'est égal. Je vous donne l'ordre de ne plus comprendre le japonais.
- C'est impossible. Personne ne peut obéir à un ordre pareil.
- Il y a toujours moyen d'obéir. C'est ce que les cerveaux occidentaux devraient comprendre." (Monsieur Omochi à Amélie Nothomb, p. 20)
Voici le témoignagne de Nabeta Hisae, résidant au Japon et dont on a fait la connaissance sur la Mailing List dédiée à Amélie Nothomb. Elle nous dit qu'elle a eu l'occasion d'acheter "Stupeur et tremblements" dans un aéroport. Elle a dévoré le livre en s'y reconnaissant... Elle nous conte son histoire à elle, histoire directement dépendante des valeurs et moeurs japonaises. Voici donc ce qu'elle nous dit sur le livre d'Amélie Nothomb :
Peut-être en Europe, est-il difficile d’imaginer que que son histoire soit vraie, mais cela est très probable ici, au Japon.
Un jour j’ai demandé à mon PDG de me donner un autre travail. Et j’ai juré
que je continuerais mon travail dans le magasin en essayant de m’engager
dans une autre tâche. Il m’a dit non. « Si tu veux vraiment travailler
dans la société japonaise, il faut continuer ton travail d’emballage
pendant au moins 2 ou 3 ans. Et souhaiter un autre travail, c’était trop
orgueilleux ».
6 mois après, j’ai trouvé mon bureau actuel, qui est une agence de
traduction, et je me suis enfuie de cet enfer. Au bureau actuel où je
travaille depuis plus de 3 ans, je suis coordinatrice de traduction et il m’arrive des fois que je sers moi-même d’interprète et traductrice. Mais
avant d’être employée officiellement par cette société, j’ai dû demander
si cela serait obligatoire de nettoyer tous les jours tout le bureau avant l’heure.
Au Japon, traditionnellement, les études à l’université ne sont pas beaucoup comptées ( sauf les études scientifiques ). Lors de l’entrevue de
recrutement, c’est plutôt sur la personnalité que la société met beaucoup plus d’accent. Et à mon avis, une personne sera facilement employée si elle est naïve et facile à faire s’adapter à la vie de chaque société. Facilité de s’adapter à la vie sociale, c’est quoi?
Et cette philosophie restait même après la guerre mondiale. A part de
respect aux supérieurs, il y a l’inégalité entre sexes. Les femmes ne
pouvaient pas travailler comme les hommes. Même si elle travaillait, c’était toujours pour supporter le travail des hommes. Ainsi, elle pouvaient jouer d’autre rôle. Animer l’atmosphère de bureau ou des fois, simplement être là pour que leur main soit demandée par les employés masculins (c’est la direction de la société qui prépare les mariages de ses précieux employés.). Mais pour jouer ce rôle, il fallait qu’elles soient assez jeunes et si leur âge dépassait trop, elles devaient subir la “tape à l’épaule”. C’est son supérieur masculin qui tape son épaule en lui demandant : “ Et toi, ce n’est pas bientôt, ton mariage? On l’attend impatiemment.”.
Heureusement l’attitude des jeunes a beaucoup changé. Il y a des femmes qui travaillent comme les hommes et elles peuvent travailler sans se faire de
soucis pour “la tape à l’épaule” (même si cela existe encore ).
Bien sûr je ne suis pas du tout d’accord avec cette idée, mais si j’essaie d’expliquer le comportement de mon supérieur, je ne trouve que c'est vrai. Comme j’ai dit, ce n’est pas toutes les sociétés japonaises qui pratiquent cette formation impitoyable de nouveau. Aujourd’hui, nous sommes dans une époque transitaire et je ne sais pas quelles mœurs vont
rester ou disparaître. En tout cas, ce que je peux dire, c’est que “ j’
avais raison de quitter mon ancien patron! Je n’y reviendrais jamais!!” |
"Tout est vrai à cent pour cent ! C'est une histoire pour laquelle il ne m'a fallu aucune imagination. J'ai réellement travaillé là, en 1990, c'était l'une des plus grosses sociétés japonaises. Ce livre contient l'essence de ce qui allait se passer dans mon itinéraire par la suite..."
"Oui, ce livre est un petit règlement de comptes avec la culture d'entreprise à la japonaise mais nullement contre le japon." |